Utiliser un logiciel espion : que dit la loi française ?

Selon cet article paru dans Le Monde, le marché du logiciel espion se porte à merveille, et il faut bien avouer que ce succès est parfaitement justifié !

Imaginez un peu : il suffit d’installer une simple application sur le smartphone de la personne que vous souhaitez espionner et le tour est joué ! Pour moins de 15 euros/mois, vous pouvez intercepter les messages, consulter l’historique de navigation internet, vous infiltrer sur les comptes de ses réseaux sociaux et même suivre l’emplacement géographique du dispositif en temps réel. 

On comprend pourquoi des millions d’utilisateurs se laissent séduire. Mais, une question se pose tout de même : est-il légal, en France, d’utiliser un logiciel espion ? Malgré les apparences, cette interrogation est plutôt sensible. Décryptage. 

Un logiciel espion : qu’est-ce que c’est exactement ? 

On parle de logiciel espion, mais en réalité, il serait plus exact de parler de programme de surveillance. Le fait est que le mot « espion » a un sens beaucoup plus exploitable d’un point de vue marketing ! Toutefois, ne vous y trompez pas, selon les fournisseurs il s’agit bel et bien d’un programme de surveillance permettant de mettre en place un contrôle parental aussi efficace que pertinent.

Car, si les applications faites par les utilisateurs de logiciels espions sont nombreuses, en réalité il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’un outil destiné à protéger nos bambins des dangers de l’internet. À ce sujet, l’UNICEF est assez explicite et dénonce le manque de conscience des parents qui laissent leurs enfants livrés à eux-mêmes dans un univers où pédophilie, pornographie et violence sont monnaie courante. 

À cet effet, les développeurs de logiciels espions tels que mSpy — leader incontesté du marché — proposent par exemple :

  •  L’accès aux SMS et messages reçus via une application de messagerie du style WhatsApp : pour que les parents puissent s’assurer que leurs enfants ne soient pas victimes de cyberbullying ou de sextos. 
  • L’accès au navigateur web : pour vérifier que le contenu visité est approprié et pour éventuellement restreindre l’accès à certains sites. 
  • L’accès aux réseaux sociaux, tels que Facebook ou Instagram : parce que ces plateformes sont les terrains de jeux préférés des prédateurs. 
  • Ainsi que le suivi de la position GPS : parce que tous les parents ne peuvent pas accompagner leurs enfants partout où ils vont. 

Bref, l’utilisation d’un logiciel espion comme outil de contrôle parental est justifiée sous bien des aspects. Et d’ailleurs, il est complètement légal de s’en servir à ces fins. Pourvu que l’enfant — qu’il soit mineur ou pas — soit au courant. 

Légalité des logiciels espions : pourquoi un tel débat ? 

A priori, les logiciels espions sont donc des programmes bienveillants puisqu’ils permettent aux parents de garder un œil sur leurs enfants lorsqu’ils utilisent leur smartphone. Considérons que le « dérapage » homophobe de certains fournisseurs tel que Fireworld Controller soit un cas isolé. Pour info, cette entreprise proposait aux parents de « savoir si leur fils est gay » grâce à leur logiciel espion… 

Bref, le fait est que ces programmes servent les intérêts de nos enfants. Bien entendu, et comme nous le disions, cette utilisation est légale, si l’enfant est au courant. Mineur ou non, propriétaire du smartphone en question ou non, à ce sujet la Convention internationale des Droits de l’Enfant est très claire. 

Mais alors, pourquoi la question de la légalité des logiciels-espions est-elle si complexe ? 

La surveillance du conjoint suspecté d’infidélité…

Tout simplement parce que les personnes qui achètent ce genre de programme ne s’en servent pas toujours pour protéger leurs enfants. On ne peut les blâmer : qui ne se laisserait pas tenter par l’idée de surveiller un conjoint au comportement suspect ? Qui n’a jamais voulu vérifier la fidélité de son mari ou de sa femme ? Selon un sondage paru dans le journal Le Parisien : un Français sur trois avoue avoir déjà fouillé dans le smartphone de son conjoint. 

Si on considère que la plupart des logiciels espions proposent non seulement une surveillance à distance, mais en plus : 100 % invisible, alors vous pensez bien qu’il est très difficile de ne pas se laisser tenter par l’achat d’une appli espionne ! En effet, les logiciels espions peuvent être installés sans laisser de traces et surtout : sans que le propriétaire du smartphone ne s’en rende compte ! 

Du coup, même si les logiciels espions sont présentés comme des outils de contrôle parental, en réalité ils sont généralement employés pour prouver l’infidélité d’un conjoint. Ou tout du moins, pour assouvir le besoin de savoir que notre moitié ne fait aucun écart… 

Les chefs d’entreprises qui surveillent leurs employés 

Autre utilisation au cœur du débat concernant la légalité des applications espionnes : les chefs d’entreprises qui installent un logiciel espion sur le smartphone corporatif de leurs employés. Si la fin est compréhensible : s’assurer que le salarié utilise l’appareil à des fins strictement professionnelles, les moyens employés, eux, ne sont pas toujours justifiés aux yeux de la loi. 

Est-il légal d’utiliser un logiciel espion pour surveiller un smartphone ? 

Le Code pénal français, et plus précisément l’article 226-1 est assez clair à ce sujet : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui. »

Pour ceux qui seraient perplexes, voici un extrait de l’article 226-15 qui précise que : « Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

En d’autres termes : il est illégal de fouiller dans le smartphone de quelqu’un. D’ailleurs, le SMS ainsi que le message ne sont reçus comme preuve que dans le cas où sa découverte soit fortuite… Quoi qu’il en soit : il est illégal d’utiliser un logiciel espion à de telles fins. 

Toutefois, il est intéressant de noter qu’en France, les cas de jurisprudence pour utilisation frauduleuse d’un logiciel espion contre un conjoint manquent cruellement. En tout cas, ils ne sont pas médiatiques. Nous pouvons simplement citer le cas de cette Américaine, condamnée à 3 ans de prison avec sursis pour avoir installé un programme de surveillance sur le smartphone de son mari. 

En ce qui concerne la surveillance des employés, il faut savoir que le droit du travail n’interdit pas la mise en place de moyens pour contrôler l’utilisation faite du smartphone corporatif — et de tout autre dispositif connecté à internet —. Il peut en effet fixer des limites à l’utilisation des outils informatiques en filtrant l’accès à certains sites ou l’interdiction de télécharger ou d’installer certains logiciels. 

En revanche, cette surveillance ne doit pas porter atteinte au respect de la vie privée. En ce sens, l’utilisation d’un logiciel espion pour le contrôle des employés est également illégale et punie par le Code pénal français. Au même titre que pour l’utilisation d’un particulier. 

Comment utiliser un logiciel espion sans enfreindre la loi ? 

Malgré les dispositions prévues par la loi, il n’est pas illégal d’acheter un logiciel espion ! Et si vous songez vous en servir, alors c’est assez simple : il vous suffit de prévenir la personne dont le smartphone fera l’objet d’une telle surveillance.

Pour éviter tout litige, mieux vaut demander un consentement par écrit. D’ailleurs si vous comptez installer ce genre d’outil sur le dispositif de vos employés, la CNIL prévient qu’il faudra absolument leur faire signer une décharge spécifique. 

Dans tous les cas, notez que le logiciel espion devra opérer en mode « visible ». C’est-à-dire avec une icône apparente sur l’écran du smartphone cible.